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Impact du Web social en éducation

le 7 octobre 2012

Je crois qu’un des impacts majeurs dans l’éducation sera en lien direct avec l’ouverture à la collaboration. Je veux insinuer par là que la vision de l’apprentissage dans son entier sera remodelée. Dans le présent essai, la façon dont j’argumente à ce sujet se base sur différents axes : la nouvelle signification du terme apprendre, les tendances actuelles au niveau éducationnel et l’extrapolation de ces tendances à court, moyen et long terme.

La nouvelle signification du terme apprendre

Jadis, la seule structure de communication, acceptable en salle de classe, était celle de l’enseignant qui détenait tous les savoirs. Celui-ci avait comme mandat de déverser tout son savoir à l’étudiant, qui devait s’en imprégner sans avoir le moindre doute que c’était l’ultime vérité. Il en est autrement aujourd’hui avec les générations d’apprenants natifs. Ceux-ci sont conscients que plusieurs vérités, différentes de celles de l’enseignant, peuvent être atteintes en deux ou trois clics sur Internet. Marc Prensky illustre bien cette réalité dans son article ‘Une école pour les natifs de l’ère numérique’ :

« Alors que la réforme scolaire est toujours remise en question, comment convaincre l’école et le monde du travail que ces outils technologiques sont un complément aux outils que nous connaissons et utilisons depuis toujours, bref, davantage une occasion plutôt qu’une menace? Comment adapter l’école afin que les enseignants puissent prendre conscience qu’ils ne sont plus les dépositaires uniques de la connaissance, que les changements se produisent à une vitesse si accélérée qu’ils doivent aussi avoir l’humilité d’accepter que les jeunes soient à leur tour des passeurs de connaissance? Tout un défi. »

Deux différentes visions de la pédagogie évoluent présentement. Il s’agit de la vision qui prône l’acquisition de connaissances, soit celle qui permet de les accumuler à preuve de diplômes obtenus. Il y a aussi la vision qui opte pour donner les outils à l’apprenant pour lui permettre d’apprendre par lui-même.Les notes de cours du module 8 nous présente d’ailleurs deux significations actuelles du terme apprendre : « apprendre des connaissances » ou « apprendre à apprendre ».

Le terme natif est de plus en plus utilisé et désigne une personne étant née après de gros apports technologiques ayant changé les façons de communiquer. À l’opposé, les immigrants sont nés avant la mise en vigueur de tels changements et doivent donc effectuer un travail considérable pour s’y adapter. Certaines réticences y sont inévitablement reliées puisque ces personnes doivent sortir de leur zone de confort et tenter d’avoir l’air aussi à l’aise que les natifs!

Étant donné que le professeur n’est plus le seul et unique transmetteur de savoir, il faudra premièrement qu’il admette que ses étudiants auront accès à plusieurs sources de référence. L’enseignant sera probablement considéré comme une référence mais les étudiants auront tendance à vérifier la validité de ses dires à l’aide d’autres sources de référence. Il est possible que certaines informations ne concordent pas. C’est à ce moment précis que l’ouverture à la collaboration de l’enseignant devra être accentuée.

D’après moi, deux possibilités peuvent survenir: soit l’enseignant réfute, sans aucune vérification, ce que l’étudiant soulignera comme non-concordance soit il la traite de façon à outiller l’élève face à un tel dilemme. De nos jours, le Web social nous offre l’accessibilité à une panoplie de sources d’informations sur le Web. Quoique ces sources peuvent être placées en tête de liste par un moteur de recherche, il n’est pas absolument certain que celle-ci est fiable.

De nos jours, les besoins des étudiants sont axés sur la rapidité d’acquisition des informations. Leur attention est tournée vers le nouvel outil de recherche le plus puissant, rapide et efficace. Le rôle des étudiants changent et se rapprochent de celui des enseignants. La collaboration doit être entreprise si l’on désire perpétuer l’utilité primordiale des institutions d’enseignement, c’est-à-dire outiller l’étudiant à la réalité qu’il rencontrera sur le marché du travail.

À ce stade, on peut observer plusieurs tendances en pleine ébullition dans le milieu éducationnel. Entre autres, l’autoapprentissage, la formation à distance et la formation continue.

L’autoapprentissage ou autoformation

L’autoapprentissage sur Internet est devenue monnaie courante. La lecture de textes contenant de l’information est d’ailleurs ce qu’on obtient dès que l’on accède habituellement à une page Web. Les textes peuvent provenir de sources Web différentes atteintes à l’aide de matériel provenant du travail, d’une association professionnelle ou de tout autre source.

Cette tendance à l’autoformation obligera les institutions d’enseignement à redéfinir leur mission première. Si Internet procure désormais la possibilité de se tenir à jour et de se former, il faudra que les écoles apportent davantage à ceux qui s’y inscrivent. Il faudra sûrement passer du mode « apprendre des connaissances » vers « apprendre à apprendre ». Il y aurait un intérêt urgent à faire des recherches à ce propos pour sauver certaines institutions d’enseignement déjà en danger. Plus loin dans mon essai, lors de l’extrapolation ciblant une génération complète d’une vingtaine d’années, je proposerai une certaine hypothèse permettant d’améliorer l’attrait des ces établissements.

La formation à distance

La formation à distance n’est pas tout à fait comme de l’autoapprentissage puisqu’il y a habituellement une aide intermédiaire faisant office de tuteur pour l’étudiant. Il y a une multitude d’établissements d’enseignement qui offre en partie ou tous ces cours à distance. Il y a aussi de nombreux organismes qui prônent et appuient les démarches visant à accroître et améliorer les cours offerts à distance. L’une d’entre elles est le REFAD, le Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada, invite d’ailleurs les gens à se pencher sur l’avenir de la formation à distance. Le thème de leur colloque annuel 2013 portera justement sur les défis auxquels fait face la formation à distance dans ce monde de changements et sur la mise en oeuvre de solutions innovantes pour y répondre.

Non loin physiquement de la tenue de ce colloque portant sur la formation à distance, se situe aussi un village d’irréductibles croyants du Web 2.0 qui méritent d’être cités dans un tel essai. Depuis maintenant 3 ans se tient un événement de partage entre pédagogues intéressés par l’ajout d’outils informatiques et pédagogiques. On y traite de sujets touchant principalement les apprentissages reliés aux technologies en salle de classe. Cette année, Clair2013 recevra des conférenciers de renom et plusieurs d’entre eux sont des professionnels en formation à distance ou baignant aisément dans la technopédagogie.

L’éducation touche tout le monde puisque cela nous concerne en tant que citoyen. La formation à distance prend une place de plus en plus grandissante et permet à plusieurs individus d’obtenir une formation qu’ils n’auraient jamais pu atteindre autrement. Pour réussir, il faut toutefois que l’étudiant soit motivé, tout comme en salle de classe, et qu’il soit autodidacte.

La formation continue

La formation continue est une tendance en éducation et aussi l’une des neuf compétences essentielles utiles et recherchées par les employeurs selon Développement et Ressources humaines Canada. Les compétences essentielles sont neuf aptitudes requises pour permettre à l’humain de bien fonctionner autant au travail qu’à la maison. La formation continue est un concept qui est non seulement utile mais qui revête une signification à long terme. Si quelqu’un détient cette compétence essentielle, cela suppose par exemple qu’il est capable de déceler facilement un besoin personnel de formation face à une situation dans laquelle il lui manque de l’information pour exécuter une tâche quelconque. Il peut aussi lui apparaître évident que de nouvelles tendances dans son domaine sont apparus et qu’il est de sa responsabilité d’acquérir de nouvelles notions. Cela ajoute une plus-value à un employé qui se distingue ainsi par son professionnalisme et qui réagit au lieu de rester passif face au changement. Voici une petite vidéo qui présente ces compétences essentielles par la présentation de mots-clés révélateurs  et favorisant l’employabilité:

Voici l’ensemble des compétences essentielles qui sont utilisés d’ailleurs pour les gestionnaires qui élaborent de nouveaux programmes académiques:

Les quatre premières compétences sont axées sur l’alphabétisation. Selon le ministère des Ressources humaines et Développement des Compétences Canada, l’ensemble des ces neuf compétences essentielles seraient des compétences habilitantes utiles à trois niveaux:

  1. aident une personne à accomplir ses tâches professionnelles et d’autres activités quotidiennes;
  2. procurent à une personne une base pour acquérir d’autres connaissances;
  3. renforcent la capacité d’une personne à s’adapter au changement.

Dans cette optique et surtout en réaction au dernier niveau énuméré, il est peut-être bon de se questionner sur la peur du changement qu’apporte l’entrée massive des médias sociaux en éducation. Se pourrait-il que cette peur soit basée sur le manque de préparation face au changement? Se pourrait-il que certaines compétences essentielles ne soient pas suffisamment maîtrisées pour faire face au monde du travail en perpétuel changement? La peur de l’inconnu ou du manque de contrôle revête un certain inconfort chez l’être humain et j’en fais de nouveau mention plus loin dans mon essai.

Extrapolation d’ici 1 an:

D’ici 1 an, je ne crois pas qu’il y ait d’énormes vagues dans la façon dont les gens perçoivent le Web social dans le milieu éducationnel. Il y a encore des réactions négatives de la part des pédagogues, jeunes et moins jeunes. Les étudiants ne semblent pas tous près non plus à justifier l’apport des médias sociaux en salle de classe.

Les réticences semblent provenir du lien étroit que les gens entretiennent face au caractère public de ce qui est propagé via les médias sociaux. C’est notamment le plus gros frein qui empêche la propagation des bienfaits que peut apporter le Web social en éducation.

C’est aussi ce que Danah Boyd, sociologue chez Microsoft, suggère comme cause provoquant cette résistance de la part des parties impliquées. Le témoignage qui suit est un peu long mais révèle tant d’indices à propos de la véritable raison derrière la peur qu’ont les parents de voir leurs enfants côtoyer les réseaux sociaux. Les pédagogues sont tout aussi humains que les parents et ont parfois terriblement peur de l’inconnu:

“L’évaluation du risque est souvent plus terre-à-terre, mais cela permet de mettre en évidence l’hypocrisie des gens face aux processus décisionnels. En tant que scientifique qui étudie la culture des jeunes, les parents viennent régulièrement me voir pour me demander quelle est la première chose qu’ils doivent faire pour assurer la sécurité de leurs enfants. Ils veulent vraiment entendre quelque chose comme “ne pas les laisser sur Facebook” ou “ne pas leur donner un téléphone cellulaire.” Personne n’est préparé à ma réponse: “Ne les laissez pas monter dans une voiture avec vous.” Invariablement, leur visage exprime une grande confusion. Pourtant, statistiquement, les enfants courent plus de risques dans une voiture que dans tout autre contexte. Or, pour un parent, la voiture semble un espace de sécurité, notamment parce qu’ils pensent en avoir le contrôle. Alors que ce n’est pas le cas de l’internet, à la fois parce qu’ils n’en ont pas le contrôle et qu’ils ne savent pas comment les choses y fonctionnent. La peur est une question de perception. Elle n’est pas fondée sur l’évaluation des risques, mais sur la perception du risque.

Nous craignons plus les choses – et les personnes – que nous ne comprenons pas que les choses que nous faisons, même si celles-ci sont beaucoup plus risquées. Il n’est pas surprenant que les gens craignent la technologie. Sa nouveauté est source de confusion et personne n’est tout à fait certain des promesses qu’elle offre. En outre, la technologie nous permet d’accéder à des gens qui sont différents de nous, ceux-là mêmes que nous sommes susceptibles de craindre. Nous craignons l’inconnu. Et la technologie est à la fois un inconnu et un véhicule pour nous connecter à de plus grandes inconnues.

Nos craintes sont amplifiées quand elles croisent notre incapacité à être en contrôle. Et nulle part cette sensation n’est plus palpable que quand il s’agit de la volonté d’un parent de protéger son enfant. À ma grande frustration, la peur est l’émotion dominante qui tisse la relation que notre société a envers les jeunes. Nous avons peur pour eux. Et nous avons peur d’eux. Nous avons peur de tous les moyens par lesquels nos enfants pourraient être touchés. Et nous avons peur de toutes les choses que les enfants pourraient faire pour perturber le statu quo.”

Cette femme semble vraiment concernée par les répercussions sur la race humaine causées par les logiciels conçus par son employeur, Microsoft. Lors du dernier SXSW, un événement ayant lieu au Texas pour les passionnés d’informatique, Danah a effectué une conférence majeure. Elle y a d’ailleurs partagé être consciente du fait que les logiciels déployés ne peuvent que créer des effets positifs. Elle considère la technologie comme un outil puissant et souligne que Microsoft se sent responsable de la rendre la plus sécuritaire possible pour ses utilisateurs.

Extrapolation d’ici 5 ans:

J’ai l’impression que les 5 prochaines années seront remplies de découvertes épatantes, et ce, à travers les médias sociaux. De cette façon, les gens seront de plus en plus conscients des possibilités infinies que revêtent le partage collaboratif. Si les êtres humains réalisent à quel point il peut leur être utile d’accéder à tant d’informations, ils pourront ensuite être davantage prêts à laisser entrer les médias sociaux dans leurs salles de classe ou celles de leurs enfants.

Dernièrement, j’ai été témoin que mon conjoint a désormais un réflexe automatique lorsqu’il se retrouve face à une situation dans laquelle il n’a pas tous les outils pour résoudre un problème. Il se rend sur YouTube et débute une recherche avec des mots-clés pertinents. Il a d’ailleurs réparé notre laveuse en suivant chacune des étapes présentées dans cette vidéo:

J’ose imaginer la multitude d’êtres humains qui ont déjà ou qui vont prochainement avoir ce même automatisme. Que ce soit dans le cas d’un natif ou d’un immigrant numérique, si l’utilisation d’une technique s’avère efficace, la majorité d’entre eux auront tendance à s’en souvenir! Ces découvertes potentielles sont reliées autant à l’autoapprentissage qu’à la formation continue. Ces deux tendances sont interreliées et peuvent être accomplies à l’aide des sources d’informations infinies qu’offre le Web. Grâce à ces sources, la soif d’apprendre peut être sans cesse assouvie et plusieurs organismes ou particuliers offrent des occasions d’apprentissage. Par exemple, ces icônes sont présentes sur le site Web de la bibliothèque publique de ma région:

            

Elles mènent à des sites Web permettant de réparer soi-même n’importe quel sorte de voitures dont les caractéristiques sont incluses dans leur base de données. C’est quand même assez impressionnant de pouvoir accéder à un tel montant de connaissances dans un autre domaine que le sien.

Extrapolation d’ici 20 ans:

D’ici 20 ans, j’ose espérer que les faits relatés par Michael Nielsen dans The Future of Science soient désormais chose du passé. Je souhaite toutefois que la contribution collaborative entre scientifiques, attrayante selon lui, sera partie intégrante du présent.

Au lieu de viser seulement l’atteinte d’une carrière mirobolante et se démarquant des autres, les scientifiques pourraient davantage se soucier de participer aux outils collaboratifs dans leur domaine. De cette façon, une évolution plus marquée pourrait être propulsée par la rigueur d’une nouvelle communauté scientifique qui travaillerait en groupe. Nielsen relate que présentement, les postes dans les universités sont octroyés à ceux qui ont le plus d’articles fabuleux à leur nom. Les scientifiques y vont donc par priorité et s’investissent davantage à augmenter leurs publications au profit de contribuer ou commenter celles des autres.

De plus, nous avons la preuve que la contribution à un outil collaboratif est bel et bien possible avec les milliers d’articles présents sur Wikipédia. Ce n’est peut-être pas des scientifiques qui bâtissent cette immense encyclopédie mais on y retrouve une variété d’articles pertinents. J’en fais référence dans un billet traitant de l’apport, en salle de classe, de la contribution collaborative à Wikipédia. Les étudiants ayant le besoin d’acquérir des compétences en rédaction et en recherche d’informations peuvent le faire en contribuant à Wikipédia. Ils écrivent non seulement un article de leur cru mais ont la possibilité de recevoir de la rétroaction, non seulement de la part de l’enseignant mais de ses pairs aussi. L’impact ultime est tout de même frappant de par sa comparaison avec la réalité sur le marché du travail. Si un travailleur rédige un document sans se soucier de l’éventuelle possibilité qu’un autre travailleur pourra y accéder, il ne fera sûrement pas autant d’efforts.

Ce concept est loin d’être nouveau et reflète l’approche par compétences qui s’appuie sur du concret pour que l’élève apprenne de manière active et soit capable d’utiliser des ressources intellectuelles et matérielles pour résoudre un problème. C’est ce que Claude Gauvreau relate dans un article traitant des défis de l’approche par compétences:

«Le pédagogue français Célestin Freinet, qui a introduit cette approche il y a 70 ans, avait installé une imprimerie dans la cour de son école pour produire un journal rédigé par ses élèves. Pour être capables d’écrire leurs articles correctement, les élèves devaient apprendre des règles de base comme la concordance des temps et la conjugaison des verbes. Freinet avait su créer un contexte stimulant afin de faciliter l’apprentissage de l’écriture.»

J’ai récemment construit une présentation Prezi portant sur l’approche-programme, qui s’inspire fortement de l’approche par compétences. Celle-ci vise à bâtir chaque cours en tenant compte du portrait global du diplômé que l’on veut former. On veut ainsi ajouter une plus-value à chacun des cours en y ajoutant une partie des compétences que l’on désire développer chez l’étudiant, et ce, tout au long de son parcours universitaire.

C’est peut-être là une des solutions que les institutions d’enseignement devront déployer pour s’assurer la popularité de leurs programmes. Ce n’est peut-être pas la plus novatrice des hypothèses mais elle me rassure davantage que celle de penser qu’une machine enseignera aux étudiants car elle aura atteint une intelligence supérieure à celle des êtres humains! C’est sur cette approche-programme que l’école Polytechnique de Montréal a rebâti tous ces programmes. L’organigramme de ce projet d’envergure illustre bien le travail considérable requis pour y arriver:

Je conclue ce présent essai sur ces quelques mots fort révélateur que Michel Dumais a émis dans un article à propos de l’idéologie de Marc Prensky:

«Peut-on imaginer aujourd’hui une classe dont tous les élèves posséderaient un téléphone intelligent? On y arrivera un jour, selon Marc Prensky. C’est inévitable. Malgré toutes les résistances qu’elle déploie, l’école (et le monde du travail) ne pourra jamais empêcher ces changements.»


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